Photogénèses par Alain Sayag, Conservateur à la photographie, CGP, 1990

On peut s’interroger sur les raisons qui font que tant d’artistes s’intéressent aujourd’hui aux techniques anciennes de la photographie. Est-ce simple curiosité, goût du paradoxe, quête d’intérêt ?

Evelyne Coutas, si elle n’échappe pas à cette tendance le fait du moins avec une telle aisance que sa démarche apparaît comme évidente.

La photographie est issue de la peinture et résulte tout autant d’une découverte technique que d’une révolution du regard pictural ; alors que la photographie n’était pas inventée, les peintres, dans le secret de leurs ateliers, pratiquaient déjà une vision “photographique”. Puis l’expérimentation technique s’est trouvée étroitement mêlée à la diffusion de cette nouvelle esthétique. Mais ce n’est pas pour retrouver un quelconque “âge d’or” que les artistes comme Evelyne Coutas se penchent avec intérêt sur les origines de la photographie mais bien plutôt pour déplacer à nouveau la frontière qui sépare photographie et peinture. Car ce retour aux sources est avant tout une remise en cause des petites certitudes et des petits bénéfices sur lesquels vivaient les petits rentiers de l’art dit “vivant” et qui interdisaient aux uns de représenter le réel et aux autres de le transgresser. Evelyne Coutas ne se borne pas à retrouver le geste de Fox Talbot en soumettant le papier photographique directement aux rayons du soleil, elle en modifie la signification. Il ne s’agit plus, comme il le voulait, de conserver la trace du réel mais au contraire d’ouvrir la porte à l’imaginaire.

La trace que laisse le soleil de ce corps étendu ou lové sur la feuille de papier, l’ombre projetée par la lune sur le mur de la chambre résultent d’une démarche qui n’ignore rien des préoccupations d’artistes comme Adzak ou Klein. Mais ce n’est plus simplement un geste esthétique ou conceptuel, c’est la révélation de l’essence d’une présence par la parfaite adéquation d’une technique à une esthétique. Comme si la photographie ainsi réduite à l’essentiel ne pouvait aller qu’à l’essentiel.

Alain Sayag,
Conservateur à la photographie,

Musée National d’Art Moderne,
Centre Georges Pompidou.

in “Evelyne Coutas- Photogénèses”,
ed CPIF

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