Et l’on pourrait bien sûr gloser à l’infini sur le narcissisme de la photo qui ne cesse plus de se regarder (ce mot, ce registre du narcissisme, n’est évidemment jamais très loin lorsque l’on parle de photographie).
On pourrait ajouter, de manière plus fondamentale, que, tandis que la peinture retouche la photo dans le secret espoir de transmuer sa surface en matière, d’atteindre l’objet dans sa matérialité, la photographie, elle, en retouchant une photo, porte atteinte à la scène, ou au référent, ou encore au réel. Bref, elle vise le sujet de l’image et non l’objet-image (oeil pour oeil... en quelque sorte).
Là, c’est toujours, pour filer la métaphore de l’« oeil pour oeil », telle photographe, Évelyne Coutas, renverse à son profit la morale de la technique du photogramme, ou de la rayographie. Ce procédé, très en vogue dans les années 20, correspond à une tentative de photographier le réel au plus près du réel en plaquant un objet contre la surface sensible. Ce qui signifie aussi : pas d’intervention humaine entre l’objet et sa surface.
Et bien, Évelyne Coutas continue la technique tout en pervertissant les règles du jeu : c’est le corps qui fera office d’objet et c’est le plus haut degré d’évanescence du corps (souffle, chaleur...) qui doit être rendu lisible sur le photogramme : cherchez, encore une fois, l’image qui a disparu.
Roger-Yves Roche,
“Le regard de la photographie”
in Photogravure, la photographie comme estampe
ed URDLA
Voir dans le portfolio "Les thermogrammes"