Le travail photographique entrepris par Evelyne Coutas depuis une quinzaine d’années s’articule et s’inscrit autour d’un troublant paradoxe : le maniement de l’illisibilité.

Les thèmes iconographiques retenus par l’auteur ne sont pas des prétextes mais plutôt des champs d’investigations et d’expérimentations qui tentent de vérifier cet acte ”d’inscription et de capture” (1) souvent revendiqué.

Que ce soit avec le souffle, la buée, l’air, le rayon lunaire ou solaire, la photographie et plus précisément le photogramme (2) s’empare de ce que nous ne pouvons voir et nous restitue cet impalpable dont il faut reconnaître qu’il est part constituante du réel.

Dans la série « Totems » réalisée en 1998 qui propose des images de cheminées de l’’incinérateur d’Ivry, images transférées in situ à la lumière et à l’air du lieu, Evelyne Coutas s’approprie un paysage urbain et peut éprouver les différents matériaux qui génèrent l’acte photographique.

La technique si singulière du transfert nous introduit ”de facto” dans la composition d’une image : il s’agit bien d’un prélèvement du réel, de sa composition puis de sa restitution. Cette restitution dans l’espace et dans le temps subit ou convoque des altérations et peut aussi pervertir la prétendue instantanéité de la photographie.

Ces ”Totems”, effigies contre-collées sur aluminium, au nombre de trois se jouent de l’échelle et de la profondeur de champ. Autonomes et pourtant réunies le temps d’un accrochage, elles rythment l’espace et le recomposent pour une subtile métaphore (3) du réel.

Claire Nédellec,
Paris, octobre 1998

(1) Evelyne Coutas 1995 in Ed. Galerie Vrais Rêves Lyon

(2) photogramme : technique photographique sans appareil utilisant le contact direct sur le support sensible.

(3) du grec métafora : transport...

Voir dans le portfolio "Fragments du dehors"