Déjà avec la série des “Baisers”, Evelyne Coutas s’était emparée de cette poétique si singulière du geste et du son.
Avec “L’alphabet”, série de 26 images, se déploie une sorte de partition musicale : ces images, littéralement “soufflées” nous sont montrées afin que nous puissions en convertir la vue en son ou vice et versa. L’élaboration même du travail ( sans appareil photographique et sans chimie ) s’articule autour d’un principe simple : l’image se révèle à la lumière solaire.Cette technique ancienne (photolyse) utilisée par les pionniers de la photographie permet au papier sensible de réagir directement à la lumière et de se modifier immédiatement.
Ainsi, très subtilement les recherches d’Evelyne Coutas s’enrichissent à partir de cette contradiction : nous montrer ce qui serait de l’ordre du fugitif, de l’instable, de l’insaisissable ( c’est ainsi que Baudelaire définissait la modernité ), mais aussi de nous restituer la pérennité, la permanence, la qualité vibratoire d’un événement via la photographie dont on ne cesse pourtant de nous vanter les pseudo-qualités d’instantanéité...
C’est par l’usage d’une technique habilement allégée au service d’une pensée poétique que l’écriture photographique d’Evelyne Coutas nous parvient. Cet “Alphabet” d’images soufflées, susurrées, chuchotées, hurlées ou articulées est un bouche à bouche avec le réel ; il nous introduit aussi dans cette poétique dont Valéry nous disait qu’elle est “...une hésitation prolongée entre le son et le sens...”.
Claire Nédellec,
Paris, mars 1999
(1) Evelyne Coutas, 1995 in Ed. Galerie Vrais Rêves, Lyon.
(2) photogramme : technique photographique sans appareil utilisant le contact direct sur le support sensible.
Voir dans le portfolio "Image soufflées, l’alphabet"