Il y a tout juste un demi-siècle, un adolescent nantais « exilé » dans l’est de la France apprend une nouvelle sidérante : son groupe « pop » fétiche, les Pink Floyd, fait étape à Nancy et va jouer un LP au titre mystérieux, pas encore dans les bacs, Dark Side of the Moon. Une dizaine de camions, des tonnes de matériel d’amplification et d’effets spéciaux stationnent sur les parkings du nouveau Parc des expositions. Et, le soir du 8 décembre 1972, une déferlante de jeunes aux cheveux longs et aux idées pas forcément courtes communie autour d’un spectacle d’une ampleur sonore et visuelle inédite. Roger Waters mène le bal, mais l’apprenti guitariste que je suis n’a d’yeux que pour le hiératique David Gilmour, sa longue chevelure, sa voix et sa guitare Fender dont chaque note semble faire plusieurs fois le tour du grand hall.
À chacun son histoire avec le rock. La mienne, légère, n’a duré qu’une décennie, les seventies, et leurs rafales de 33 tours historiques, qui balayaient tous les styles musicaux, essoraient les porte-monnaies et rendaient euphorique. Nous allions changer la musique, donc le monde. Celle d’Evelyne Coutas, profonde, a traversé les décennies, jusqu’à nos jours. Elle a très justement perçu que le rock n’était pas qu’une aventure musicale, mais une révolution mentale, politique et esthétique, portée par le monde anglo-saxon.
Si autant de musiques ont émergé et se sont diversifiées en quelques années sur le continent américain, mais aussi sur ce petit territoire du Royaume-Uni, et de Londres à Liverpool, de Bristol à Glasgow, de Birmingham à Canterbury, c’est qu’elles ont muri sur un terreau fécond. Celui d’un pays qui chante depuis toujours, dans les rues, les stades, les écoles. Et qui ne trace pas de frontières entre musique populaire et musique savante. En miroir de la seconde édition de Dinard Opening, festival « des » musiques britanniques, il était opportun de faire découvrir ou redécouvrir l’œuvre d’Evelyne Coutas, le regard aigu que cette photographe sensible a imprimé sur le rock.
Vincent Remy
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