Claudine Roméo :
« Vous avez commencé par la sculpture, l’étude des marbres antiques, le modelage, la taille directe. Votre travail photographique des années 70 est logiquement investi dans la problématique du corps : ces premières photographies de Buto et de scène musicale où le corps se sur-expose ; les empreintes proposées en 82 à la galerie Donguy par Michel Journiac, transferts de votre corps enduit, meurtri par la chimie corrosive du laboratoire ; les séries du chorégraphe Daniel Dobbels dansant sur un périmètre de poussière ; vos itinéraires urbains, eux-mêmes déclinaisons de parcours tactiles, physiques en haute montagne.
J’essaye de comprendre comment ça marche. Rétrospectivement votre parcours privilégie la nécessité de fabriquer de l’espace et le rattachement à la matière dans une expérience décalée.
Je pose la « matérialité » comme le rapport intime à vous-même comme dans l’expérience du corps, une matière vivante et pensante dans l’optique d’un processus de transformation.
Je pose aussi sa part complémentaire : un évènement de dématérialisation proportionnel, dans cette quête constante des seuils de perception et de visibilité. Ce qui est là et ne l’est pas encore, comme vos souffles ou vos empreintes de sueur : toucher, souffler, marcher, ressentir, donner forme dans le désir d’éprouver (mettre à l’épreuve) un espace et une matière provisoires, instables, auxquels vous vous rattachez. »
Conversations avec Claudine Roméo*, philosophe, 25 janvier 2015
*Claudine Roméo, philosophe, a enseigné à l’Université de Saint Charles, Paris I.
Elle a exploré les limites entre philosophie, art, politique et quotidien.